Sociologie de la consommation : de la méfiance à la défiance … Mode d’emploi

Parler de « rétablir la confiance » c’est ignorer la nature même de l’omnivore humain pour qui tout peut faire nourriture, mais tout peut être poison.

Dans le caractère de l’homo sapiens, c’est la méfiance qui est première.

De tout temps.

Ce réflexe est une question de survie de l’espèce vis-à-vis des prédateurs.

A l’opposé, la confiance est une constante construction, temporaire et fragile.

Les opérateurs de l’agroalimentaire doivent accepter que celui qui nourrit son prochain est sous la menace permanente au mieux de la méfiance, au pire de la défiance contemporaine.

Cette défiance contemporaine se manifeste « contre le système » en général, …  les institutions de l’agroalimentaire (s.l.) ne faisant pas exception.

Ainsi, c’est en particulier toutes les marques qui sont touchées, ainsi que les entreprises, les services publics, les agences de contrôles et de sécurité, les médias, etc…

Ce mal ne tient pas à l’alimentation.

Ni au bashing ou au traitement médiatique.

Il tient à l’époque.

La dénonciation de la malbouffe est en réalité la dénonciation d’une vision politique de l’alimentation, de la société et du monde.

Pourquoi en sommes-nous arrivés là ?

Parce que nos concitoyens/consommateurs ont été noyés dans une cacophonie de messages. Chaque acteur a cru bon de participer à ce qui est désormais qualifié d’infobésité. Conséquence : par réflexe, les consommateurs se méfient et finissent par s’écarter de croyances jusqu’alors bien établies. Celles-ci reposaient sur la science, l’information, les politiques publiques, etc. Jusqu’ici, les produits élaborés par d’autres, la qualité, les ingrédients, les recettes ne posaient pas de problèmes. Dès lors que tout est remis en question, les consommateurs sont alors contraints de faire leurs propres choix. Au risque de bafouer le fait scientifiquement établi (la nutrition, la vaccination, …), ils se mettent à expérimenter eux-mêmes. Pour voir. Pour (re)vérifier eux-mêmes. En lieu et place des experts. Ils deviennent ainsi leur propre cobaye. En apprentis sorciers qui s’ignorent, ils décident ainsi d’exclure de leur consommation tel produit (le lait, le gluten, les avocats, la viande, …) ou telle pratique (la cuisson, la stérilisation, …). Gare aux pépins de santé : des carences pouvant entrainer de nombreux effets (retard de croissance, troubles cognitifs, dépressions).

Que faire ?

Pour Claude Fischler, sociologue au CNRS*, les entreprises et les filières n’ont d’autres choix que méthodiquement, obstinément, chercher à identifier et à résoudre les problèmes qui leur sont reprochés, y compris de manière injuste à leurs yeux : « des gros vont devenir petits, des industriels devront mettre en avant les valeurs de l’artisanat, des marques vont devoir s’ouvrir au dialogue, à l’échange, à l’expression et à l’engagement ». Engagement sur des sujets sociétaux (environnement, bien-être animal, santé). Sur des sujets d’intérêt général, également. Pourquoi ? Parce que le citoyen prend le pas sur le consommateur.

(*) C. Fischler intervenait ce 3 mars au FFAS (Fonds Français pour l’Alimentation & la Santé) sur le thème : « L’alimentation : de la méfiance à la défiance ».

Extrait de L’ACTU, la lettre hebdo de Culture Viande n°10 du 6/03/2020

Contact : François Cassignol, fcassignol@cultureviande.fr – Tél.: 01 53 02 40 04