« Filière porc : à fond, droit dans le mur » –

Composante importante du secteur agro-alimentaire en France, la filière porcine n’est pas un long fleuve tranquille. Limitons toutefois notre regard averti aux deux dernières décennies pour y relever que les crises les plus fortes naissent toujours d’une baisse des prix payés aux producteurs (1998-99 / 2003 / 2007 / 2009-10 / 2015 / 2021…).

Renchérissement des matières premières – donc des coûts de production, compétition entre pays, avec distorsions de concurrence plus ou moins dissimulées, embargos politiques, crises sanitaires viennent alors expliquer/justifier le pourquoi du comment, sans que les leçons soient retenues.

En l’espèce, quelles suites au pertinent diagnostic sur la filière porc porté par notre syndicat (ancien SNIV) au travers d’un numéro « spécial crise » du 16.01.2012, face aux pertes des abatteurs-découpeurs ?

Une lente érosion

Certes, les entreprises industrielles (mais pas toutes) ont survécu, la concentration s’est poursuivie et, tout récemment, le fléau des travailleurs détachés a enfin été mis au ban, mais le recul de la France dans le concert européen est confirmé, la charcuterie -salaison se délite et l’amont se refuse à regarder sérieusement les réalités du moment : risques sanitaires, bientraitance animale, qualité des viandes…

En 2 mots, le MONDE CHANGE

Chacun doit donc évoluer avec son temps au sein d’une filière déséquilibrée/désarticulée où tous les acteurs jouent plus ou moins en solo :

  • les charcutiers-salaisonniers ont tendance à privilégier le prix à l’origine,
  • les distributeurs voient les volumes de ventes de viande de porc baisser (pourquoi ?) mais les marges sur tous les produits transformés restent ultra confortables,
  • les leaders industriels, avec force, investissent et étouffent plus ou moins les découpeurs régionaux,
  • les  producteurs et le syndicalisme amont sont surtout attentifs à la fluidité dans les élevages ; coincés entre un M.P.B. qui ne représente plus grand-chose et des dégagements d’animaux à vil prix… qui reviennent en France en jambon désossé à prix cassés.

C’est peut-être le prix à payer par un maillon élevage ayant réussi le défi de l’autosuffisance en jambon précisément ; mais le passage au statut de pays exportateur impose de réfléchir sur la pérennité du modèle dans un contexte économico-sociétal qui a changé.

Défis de la production

a)          Environnement

Les nuisances en tous genres, les rejets et leur traitement, les nitrates, les « normes »… même si beaucoup a déjà été fait et que le rose sied mieux au porc que le vert, le sujet pourrait se révéler inépuisable.

b)          Bien-être animal

Là aussi, ça bouge trop lentement et aux problématiques directement liées aux volumes, à la densification des élevages, à la conduite des animaux, viennent se greffer des polémiques non plus de fond (castration/caudectomie…), mais de forme. C’est intolérable et à qui revient la responsabilité d’un non-respect du « simplement réglementaire » (accès à l’eau et lumière) dans plus du 1/3 des porcheries ?

c)          Sécurité sanitaire

Ça n’est pas nouveau mais, outre que toute grosse crise sanitaire débouche sur un chaos économique en l’absence de solution vétérinaire (le fameux vaccin), le principe « prévenir plutôt que guérir » reste la meilleure parade.

Là encore, on joue avec le feu ! Outre les mouvements porcins sur le territoire français (porcelets / expédition de porcs gras français / transit de porcs gras d’Europe du nord vers l’Espagne -100 camions par semaine ? – / sangliers…), la biosécurité reste une urgence non reconnue par trop d’éleveurs et insuffisamment imposée par les organisations de producteurs… qui restent en mode concurrence/surenchère.

La Fièvre Porcine Africaine (FPA), après avoir contaminé l’Europe centrale et l’Asie, est à notre porte et comment croire que l’extrême Ouest européen y échappera sans confinement des élevages -plus  sécurisation des intrants ?

À ce jour, ça doit être « mobilisation générale », toutes affaires cessantes avec l’appui des Pouvoirs Publics qui, sur ces points a) b) et c) disposent d’un arsenal réglementaire et répressif à mettre en œuvre… mais que cela traîne.

d)          Qualité de la viande

45 ans plus tard, la gamme des poids et « l’équation maigre » (FOM-CGM-TVM-TMP) restent les seuls indicateurs d’une grille de plus-value indexée au prix unique du M.P.B.

C’est aussi ringard au vu des technologies actuelles pour mesurer la qualité des viandes que pénalisant pour les bons producteurs (choix génétiques, alimentation, conduite d’élevage…).

Viandes exsudatives, bicolores, dégénérées, odorantes, à mauvais pH, sont dévalorisées par les salaisonniers et les distributeurs sans que l’abatteur-découpeur en obtienne compensation… sauf à boycotter l’éleveur identifié. Et dire que certains partent en croisade pour faire bonifier le prix du mâle entier…

Mais à quand donc la bonne origine France qui verra les consommateurs s’en régaler et les charcutiers-salaisonniers rebondir face aux italiens et espagnols dont les spécialités s’installent chez nous et ailleurs ?

La filière s’enfonce dans la crise et avec elle INAPORC qui a vocation à la représenter et la défendre.

                                                         Notre responsabilité est collective.

Les groupements de producteurs et le syndicalisme amont, structurés tel une mille-feuille et présents à tous les stades de production, n’ont pas changé de millénaire !

Si le terme n’était pas galvaudé, on pourrait évoquer la nécessité d’un ’’Grenelle du porc’’, mais qui va oser s’y engager avant que le prix du porc ne passe sous le seuil de 1 euro/kg ???

Et cela approche très dangereusement, à grande vitesse…

Annexe : numéro spécial Crise de la filière porc/SNIV-SNCP – 16.01.2012 – (8 ans après et toujours d’actualités) : La lettre SNIV-SNCP 2012_spécial crise de la filière porcine

Contact : François Cassignol – Tél.: 06 83 90 67 05

Culture Viande regroupe les entreprises françaises, du secteur de la viande bovine, ovine et porcine. Il exerce la mission de représentant et de porte-parole de ces industries et intervient comme force de propositions. Les chiffres clés de Culture Viande : 70 adhérents, 150 établissements industriels 35.000 salariés •10 milliards d’euros de CA • 2,6 millions de tonnes de viande bovine, porcine et ovine, 77% des abattages français de porcs, 66 % des abattages français de gros bovins, 80 % de la production nationale de viande hachée, 80  % des exportations françaises de viande bovine et porcine fraîches et congelées.