Les filières viandes évoluent telle une sinusoïde aux mouvements d’amplitude et de fréquence incontrôlées qui se transforment systématiquement en crises plus ou moins aiguës. Les remèdes du moment ramènent le calme sans toutefois régler durablement le problème.
L’expansion
Le sujet est vaste, complexe, car ballottées dans un premier temps aux douces musiques de la P.A.C., et sans toutefois bénéficier de la meilleure part du gâteau, les productions animales ont successivement connu la fin des quotas, la quasi disparition des mécanismes de régulation des marchés, le libéralisme galopant rapprochant les Continents et, en même temps, l’élargissement de l’Union Européenne à 27, d’orientations rose et verte avec l’émergence de nouvelles lignes directrices sur l’environnement, le bio, le bien-être animal et tout l’arsenal RSE à suivre…
Pendant ce temps, alors que la production porcine se développait selon deux schémas (privé et coopération), que le secteur ovin montrait déjà des signes de faiblesse, que la volaille et le veau basculaient en modèle d’intégration industrielle, la viande bovine, forte de son patrimoine génétique et d’une localisation climato-territoriale idéale s’éparpillait : races lait, mixte, viande, segmentation naissage / engraissement / spécialisation lait-élevage / vente de broutards ou élevage viande.
Pas étonnant ensuite qu’une telle offre multiforme ait pu alors trouver place dans tous les rayons boucherie qui prenaient bon rang à chaque ouverture de magasin ; aidée en cela par « l’industrialisation » de la viande, l’arrivée de Mac Do en France et l’enracinement du steak haché… et suffisamment forte pour résister aux importations à très bas prix (déjà !) de viandes des Pays de l’Est au début des années 90 et ensuite survivre à la double crise (1996 et 2000) de la vache folle.
Les crises
Crises terribles dont la filière viande a rapidement pu sortir grâce à :
l’union sacrée entre tous les maillons de la filière : élevage / abattage / transformation / GMS et artisans bouchers,
un accompagnement politico-administratif et un financement européen exceptionnels,
la solidité du monde de l’élevage, des pratiques alimentaires, sanitaires, exemplaires et d’une traçabilité sans faille à partir du D.A.B. Vive la Viande Bovine Française.
Remise sur pieds donc, même conquérante avec une consommation relancée dans les années 2005 et bien ancrée dans ses traditions mais pas vraiment préparée à encaisser la crise du lait (surproduction, guerre des prix !) et rapidement confrontée à deux nouvelles dépressions tarifaires en 2010 et 2015 frappant de plein fouet le troupeau allaitant.
Dans l’intervalle, la très controversée réforme de l’étiquetage avec une différenciation qualité des muscles par étoile s’est révélée un vrai fiasco aussi bien en terme de compréhension que de réelle segmentation qualitative puis, à suivre, l’opération cœur de gamme montée par l’amont avec les G.M.S. n’a pas répondu aux espérances des producteurs.
La remise à niveau des compteurs sur la gamme des viandes hachées au travers d’un bras de fer peu glorieux en 2015 fut alors la bienvenue mais très rapidement passée par perte et profit dans un contexte de guerre des prix et de concurrence industrielle… que les États Généraux de l’Alimentation n’ont pas vraiment apaisé.
Sensés établir un nouvel « ordre viande » (paiement des animaux à leur coût de production et non plus en fonction de la règle offre / demande) et relevant le défi d’une montée en gamme (Label Rouge prioritaire), force est d’admettre que les conditions pour y parvenir ne sont pas remplies :
– interrogations sur un produit fini surqualitatif,
– la grande distribution (« machines » à vendre de la viande) voit son modèle très sérieusement ébranlé au niveau des hypermarchés,
– la perte de professionnalisme conduit à une offre LS réduite et économique,
– augmentation des ventes en viandes hachées dans le cadre d’une évolution des habitudes de consommation (praticité et prix).
Et maintenant
L’artisanat boucherie et de nombreux rayons traditionnels font pourtant ce choix de la qualité (c’est une stratégie !) mais ils ne peuvent à eux seuls sauver l’élevage français.
Vingt ans après la vache folle, dans un contexte économique particulièrement dégradé, tous les adhérents de CULTURE VIANDE et FEDEV appellent à la reconstitution d’une UNION SACRÉE pour retrouver « l’équilibre économique bovin » à ce jour perdu.
Équation à multiples variables et inconnues dont la résolution ne passe que par une reconnaissance des faits, des chiffres :
1. le marché français n’est pas une bulle. Ses productions doivent être concurrentielles à l’export et il ne peut refouler les importations saines et loyales ;
2. la guerre des prix en Distribution et la concurrence industrielle engendrent une PERTE DE VALEUR. Dit autrement, une compétition sans fin au niveau des PVC et des résultats d’exploitation négatifs conduisant à l’issue fatale ;
3. en l’absence de choix techniques justifiés, assumés en amont et face aux changements dans la consommation des Français, le prix des viandes hachées ne doit pas être condamné à baisser par principe mais servir de base revalorisée et évolutive en fonction de l’équilibre carcasse (offre-demande des muscles / valorisation du Vème quartier) ;
4. le boucher, son savoir-faire, sa technicité et sa maîtrise économique du produit viande doivent être remis au service du rayon et du client.
« Aujourd’hui, en pleine tourmente de la pandémie COVID 19 et avec la perspective à court terme d’une véritable tragédie économique, il est du devoir de tous les acteurs de la filière bovine de trouver rapidement un juste équilibre sur la matière première magique viande ; composante de l’équilibre nutritionnel de l’homme, véritable plaisir gustatif et tellement espérée par beaucoup. », ont déclaré Gilles Gauthier et Jean-Paul Bigard, Présidents de FEDEV et de CULTURE VIANDE.
Contacts : courrier@cultureviande.fr & courrier@fedev.com